* Cinétrange
N°13 (page 36 & 37) - Août 2001 *
Même si Katrina possède
quelques défauts, le dynamisme de son auteur, sa passion pour les
vampires et la mise en scène réfléchie font de cette
réalisation une oeuvre aboutie et ambitieuse.
Remontons quelques siècles
dans le temps pour évoquer avec le réalisateur Bruno Estraguès,
les origines de Katrina.
ELLE EST NEE LA DIVINE ENFANT
Le projet Katrina est né
tout naturellement après le premier film vampirique de Bruno Estraguès:
L'appel de la nuit. Une première idée a vu le jour
sous l'insistance de l'actrice principale de ce premier film. " j'avais
commencé a lui écrire un rôle sur mesure. C'était
Yza maîtresse de la nuit. Le scénario racontait l'histoire
d'une vampire qui vivait le grand amour avec un autre vampire. Un jour,
un chasseur de vampire tue le grand amour de Yza, alors celle-ci pour
se venger transforme le chasseur de vampires en un véritable vampire
pour qu'elle puisse le faire souffrir toute l'éternité."
Mais suite à des problèmes
personnels, le projet tombe à l'eau. La soeur du réalisateur
développe le scénario initial. Bruno Estraguès se
charge quant à lui de faire le repérage, le casting et les
story-boards. Après une répétition des scènes
durant l'hiver, les vrai problèmes commencent lors du tournages.
On le sait, les vampires classiques
véhiculent nécessairement toute une imagerie qui leur est
propre. Costumes fastueux, pupilles reptiliennes, crocs acérés,
châteaux, etc. Difficile donc à première vue de réaliser
cela avec un budget de film amateur fauché. Pourtant, Bruno Estraguès
relève le défi avec brio et nous offre l'attirail complet
du vampire d'époque. Le film de Bruno Estraguès s'est doté
de magnifiques décors et costumes qui sortent définitivement
le film du stéréotype "machin fauché bricolé
avec des bouts de ficelles".
"Les difficultés étaient
principalement financières, car chaque week-end il fallait à
chaque fois louer des costumes, acheter des lentilles de contact spéciales,
des prothéses, du maquillage et etc! Il fallait à chaque
fois que je sorte de l'argent. C'était vachement dur de ce côté
là"
En Mai 1997 débute le tournage.
Mais le rôle principale est bientôt vacant car l'actrice trouve
un boulot à l'étranger. Une autre la remplace mais doit s'éclipser
également. "Finalement on a pris en dernière minute Syndie
Couturier qui avait un petit rôle dans le film. Elle devait jouer
une simple victime de Santiago dans la scène de la piscine. Voilà
comment Syndie est parvenue de son petit rôle à celui du rôle
principale. Je suis très heureux que c'est elle qui ait joué
Katrina, car physiquement elle correspondait tout a fait pour le rôle
de Katrina, et beaucoup de monde l'a trouvée excellente.
C'était la premiére
fois qu'elle joué dans un film, et elle s'en est bien tirée,
je lui tire vraiment mon chapeau!
Beaucoup de monde est tombé
sous le charme de Syndie; j'ai reçu un nombre ahurissant de compliment
sur elle. Mais le plus incroyable ce sont ses jambes, tout le monde hallucine
dessus! L'affiche du film où l'on voit ses jambes; eh bien tout
le monde se l'arrache, je crois que tout le monde on craqué sur
ses belles jambes et moi le premier!"
Cela faisait des mois que Bruno Estraguès
avait débuté son projet. Pour combler nos instincts sanguinaires,
il nous a jeté en pâture quelques bandes-annonces très
abouties qui montraient quelques images marquantes pour l'esprit et
laissait présager du meilleur.
Et finalement il est là ou plutôt elle : Katrina, la femme
vampire. L'auteur est bien sûr un passionné du vampire
dans le cinéma et cette passion ressort clairement dans le film
par le biais de pas mal de références au genre.
La scène d'introduction passe hélas, par beaucoup de petites
idées et clichés déja vus dans nombre de films
vampiriques.
Trois beaufs sont en train de jouer aux cartes et attendent une call-girl
qui n'est autre que Katrina. Celle-ci fait des trois hommes son sanguinolent
dîner.
Après plusieurs massacres perpétrés par les vampires
dans la ville, un adolescent s'improvise chasseur de vampires. Il va
aller jusqu'à leur antre pour essayer de leur planter à
tous un pieu dans le coeur...
On passera rapidement sur l'intrigue
qui ne fait pas preuve d'énormément d'originalité.
Heureusement, nous avons droit à une succession de scènes
ayant chacune un intérêt propre.
Par exemple, on ne peut que remarquer la façon quasi-obsessionnelle
dont sont filmés les talons aiguilles de la jeune femme. Ces
talons haut servent essentiellement à tuer ou à mettre
les hommes dans une position totalement soumise. Pas besoin d'expliquer
plus avant la symbolique chargée de fétichisme pédestre
et masochiste. Car tout au long du film, les jambes sexy et galbées
ainsi que ses escarpins seront des armes et des pièges plus redoutables
que ses crocs.
LES PERSONNAGES
Le début du film se perd un
peu en présentation des nombreux personnages sans faire progresser
l'histoire. Nous faisons la connaissance de Michael, un adolescent fan
de vampire, ainsi que de Loreen, une autre vampire.
Le film prend doucement son envol lors d'un flashback contant le passé
romancée de Loreen et de Sevren.
Ce flashback est l'occasion pour le réalisateur de montrer les
richesses touristiques de la région. Car les décors médiévaux
sont en fait des décors naturels de monuments historiques. Ceci
donne bien sûr au film une crédibilité assurée.
Les costumes ne sont pas en reste et participent tout autant au spectacle
occasionné par la découverte des origines de Katrina.
La trame un peu légère
est compensée par un travail affiné sur les personnages.
Qui sont-ils? Quel est leur passé, quelles sont leurs relations?
Tout cela est brillament évoqué et permet aux personnages
d'avoir une certaine texture.
Que dire de Katrina? Le film porte bien son nom car il est vraiment
à la gloire de son personnage principal. Belle à croquer,
elle se promène souvent dans des tenues à la limite de
la décence. Sous son aspect aguichant se cache bien sûr
une femme fatale à la bouche et aux jambes qui sont de véritables
pièges à homme.
Evidemment, le réalisateur laisse la place à quelques
scènes d'action bien emballées, en majorité des
attaques de vampires, des poursuites qui auraient sans doute gagnées
à être mieux bruitées.
ESTHETIQUE
Si Katrina est bien un film amateur, plusieurs choses rendent
ce film attachant, magique et unique en son genre.
Même si la réalisation est souvent sobre et peut-être
un peu trop académique, certaines scènes contiennent d'excellentes
idées à la fois sur le fond que sur la forme. On est donc
admiratif durant la scène du concert à l'ambiance très
metal-death et plus encore celle de l'église où érotisme
et horreur se mêlent avec esthétisme en un lieu où
tout devrait être immaculé. Ce sont là de magnifiques
images que seul un réel talent peut produire.
AMOUR TOUJOURS
Nous avons de l'action, du suspense, de l'érotisme et un peu
de gore... Il manque encore une histoire d'amour!
Et Bruno Estraguès se montre particulièrement inventif
pour quelques scènes, assez fleur bleue, mais justement charmantes
de par leur innocence et leur naïveté. Cet aspect léger
et romantique du film ne conviendra peut-être pas à tout
le monde mais je crois qu'un peu de candeur dans un monde de trash et
de démembrements, ça ne peut pas faire de mal de temps
en temps.
Au final, Katrina dure une heure
trente sept minutes, ce qui est peu commun pour un film amateur. Comme
le script n'est pas exempt de quelques longueurs, il aurait certainement
mérité quelques élagages. Néanmoins, on
appréciera ce qui fait le charme du film, l'ensemble des scènes
mettant en scènes les vampires où l'adéquation
musique/images est toujours très réussie. Avec l'expérience
et le talent grandissants, Bruno Estraguès devrait certainement
nous livrer un jour, un joyau qui sera abouti à tous les niveaux;
peut-être d'ici là, ne sera-t-il plus dans la cour des
amateurs...
Bruno Estragués ©
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