Le Cobaye doit essentiellement sa notoriété et son succès à une vingtaine de minutes d'effet spéciaux révolutionnaires dont la comparaison avec Tron est aussi inévitable que forfuite. Réactualisant le bon vieux mythe de Frankenstein, intégrant une mini-nouvelle de Stephen King à une histoire de son crû, le réalisateur Brett Leonard s'était jusque là signalé par une série B hard gore, assez malsaine et remplie de Zombies colorés, Ré-Animator Hospital. Son Cobaye met la barre plus haut. S'il y est toujours question de scientifique givré, le Dr. Angelo ne ramène pas comme son compère les morts à la vie, mais bidouille le cerveau de Jobe, un homme d'une trentaine d'années doté des facultés mentales d'un enfant de six ans. Quelques injections de drogue et Jobe, vêtu d'une combinaison spéciale, pénètre dans un univers entièrement généré par ordinateur où il peut évoluer. Brimé par un curé fouettard, le simplet acquiert à une vitesse record une intelligence stupéfiante. Le tondeur de pelouses qu'il était il y a de ça quelques semaines jouit désormais de capacités cérébrales phénoménales, télékinésie et télépathie y comprises. Mais de l'intelligence supérieure à la folie, la marge est ténue. Dopé malgré le Dr. Angelo, Jobe perd totalement la boule, tue quelques personnes (dont un mari alcoolo taillé par une tondeuse folle) et tente de se réfugier dans l'univers virtuel de l'ordinateur...
Brett Leonard ne lésine pas. Sans l'infrastructure sécurisante d'un grand studio, il se risque néanmoins à la création d'un univers entièrement artificiel où l'humain trouve une réplique cybernétique intelligente, reproduisant le moindre de ses gestes. Fluides, rapides, les mouvements scrupuleusement recomposés, alliés à un environnement géométrique et riche en couleurs, assurent l'immédiate crédibilité de cet interface. Heureusement, Le Cobaye évite la gadgétisation, le jeu électronique de luxe, pour développer le religieux, le mystique et les nombreuses implications du monde virtuel. La morale, à trop jouer avec le feu on fini par se brûler, renvoie autant à Frankenstein qu'a Icare. Classique et convenu. Mais Brett Leonard, malgré la gêne occasionnée par le manque de moyens, assure la pérennité d'un mythe vieux comme la civilisation en extrapolant sur les dangers futurs. Série B, oui... Mais ce B là ne signifie pas bêta.

Cyrille GIRAUD (Juillet 1992)


 
 

 


 

Bruno Estragués ©